Les juges étrangers

PREMIÈRE PARTIE : Les juges de Jésus-Christ
CHAPITRE 2 : Les juges étrangers

La sentence de mort, portée contre Jésus par l’autorité religieuse représentée par le Sanhédrin, dut être ratifiée par l’autorité civile qui se trouvait alors aux mains du procureur Ponce Pilate. Le Tétrarque de Galilée, Hérode Antipas, de séjour à Jérusalem au moment de la Passion du Christ, vit aussi le Sauveur paraître à sa barre. Or Hérode et Pilate étaient des étrangers, comme chacun sait.

§ 1. Pilate

Sa famille, la gens « Pontia » était une noble famille romaine. Ce Pontieus sut vite conquérir les bonnes grâces impériales. Il s’insinua à la cour d’Auguste et de Tibère, épousa même une des parentes de César, Claudia Procula et se fit nommer à la charge très importante de procurateur de la Judée. Pilate resta dix ans au pouvoir, de l’an 26 à 36. Rome l’investit d’une très grande autorité. C’était une sorte de vice-Roi, commandant les forces militaires, juge suprême dans les causes capitales en même temps qu’administrateur des biens du fisc. Il avait la juridiction et l’imperium merum.

Mais les Juifs le détestaient, et il le méritait bien. Un jour, il s’avisa de consacrer l’argent du trésor du Temple à la construction d’un aqueduc. Irrités, les Juifs se soulevèrent et le procurateur mit le comble à sa maladresse en se montrant fourbe et cruel : il envoya des soldats romains déguisés en Juifs pour massacrer les insurgés ! Une autre fois il fit porter nuitamment dans Jérusalem les enseignes romaines à l’effigie de César. La nation tout entière en fut indignée, car elle vit dans cette bravade un outrage à la loi et à ses sentiments religieux.
Hautain par tempérament, Pilate ne laissait pas d’être faible, pusillanime, irrésolu. Sa grande peur était de perdre la confiance de Tibère ou du légal de Syrie. Les Juifs ne l’ignoraient pas ; ce fut même cet épouvantail qu’ils exploitèrent en guise d’argument pour lui arracher une sentence de mort contre Jésus (Jn 19, 12). Ils savaient que, pour vaincre la résistance de Pilate, il suffisait d’insister : cet esprit faible cédait D’où l’entêtement avec lequel ils s’obstinèrent à demander que Jésus fut crucifié.
Une dernière maladresse compromit tout à fait la carrière de Pilate. Des Samaritains ayant voulu se réunir sur le mont Garizim, le cruel procurateur envoya une cohorte de soldats avec l’ordre de les massacrer. Ce fut l’occasion d’un soulèvement général. Le légat de Syrie s’en émut. Il destitua aussitôt Pilate et le fit conduire à Rome, à la barre de l’Empereur. Caligula avait succédé à Tibère. Le nouvel empereur l’exila en Gaule.
La responsabilité du déicide pèse sur sa mémoire comme un sanglant anathème et une éternelle honte.

§ 2. Hérode

A la mort d’Hérode, son père, il eut en héritage la Galilée et la Pérée. Marc lui donne le tire de « Bazileus » mais l’évangéliste prend ce mot dans le sens populaire de « prince ». En réalité, il n’était que « tétrarque ».
Il avait épousé la fille d’Arétras IV, roi des Nabatéens de Petra. Mais il se sépara d’elle pour s’unir à la fameuse Hérodiade, femme de Philippe, son frère. Adultère criant que Jean-Baptiste lui reprocha vivement dans une mémorable circonstance (Marc 6, 14-30).
C’est assez dire combien Antipas était dépravé. Il aimait le luxe à l’excès. La fantaisie l’ayant pris un jour d’avoir une superbe capitale, il bâtit sur la rive occidentale du lac de Génésareth une somptueuse cité, qu’il nomma Tibériade pour plaire au César du temps.
Antipas était honni des Juifs. La vilenie de son caractère, ambitieux et rusé, les maladresses de son gouvernement, tout le rendait antipathique. Il avait tout du parvenu : orgueil fastueux et méprisant, prudence cauteleuse et poltronne, sensualité insatiable et cruelle. Jésus l’a qualifié d’un mot en le comparant à un « renard » (Lc 13, 32), type d’hypocrisie et de lâche méchanceté. Il était très friand de prodiges, auxquels pourtant il ne croyait pas du tout. Ce sceptique eut l’audace d’en demander un au Christ, qui ne daigna même pas lui répondre (Lc 23, 8-9).
Conformément à la Loi juive, le Tétraque de Galilée se rendait aux grandes fêtes à Jérusalem. Il y rencontrait forcément Pilate. Mais à l’époque qui nous occupe, leurs rapports étaient très tendus (Lc 23, 12). On sait qu’ils se réconcilièrent lors du procès de Jésus.
Tels furent les juges devant qui Jésus comparut.

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