Le rite propre de l’Institut, dans tous ses actes liturgiques, est le rite romain traditionnel […] Ses membres puiseront dans la célébration quotidienne de la Sainte messe, l’efficacité inépuisable et toujours renouvelée de leur ministère extérieur. Les prêtres, se rappelant chaque jour le privilège unique de leur conformité à Notre Seigneur Jésus-Christ dans la célébration du Saint Sacrifice vivront eux-mêmes de ce trésor précieux. Loin de garder pour eux cette grâce insigne, ils la communiqueront abondamment dans, par, et pour l’Eglise, selon la recommandation de saint Augustin "Christiani propter nos, episcopi propter vos"» (Statuts de l’IBP, I, §2).
La messe est le cœur de la vie du chrétien, le cœur de l’Eglise, la source de toute sanctification. Elle doit donc être aussi le cœur de l’identité sacerdotale. Les prêtres de l’IBP y puisent la sève de leur sacerdoce, et le trésor qu’ils veulent communiquer aux âmes dans leur ministère.
Pourquoi choisir la messe traditionnelle aujourd’hui ?
La liturgie est par essence un héritage, une tradition ! Cette forme « extraordinaire » de la liturgie romaine est appelée « tridentine » car elle a été codifiée à la demande du Concile de Trente, ou encore « messe de saint Pie V », du nom du saint Pape qui a entrepris cette unification au 16ème siècle, mais elle remonte aux premiers siècles de l’Eglise : elle est le fruit d’une longue transmission, organique et paisible. Voilà pourquoi elle n’a jamais disparu de la pratique de l’Eglise, et n’a « jamais été abrogée », comme l’affirme Benoit XVI dans le Motu Proprio Summorum Pontificum du 7 juillet 2007.
Mais pourquoi donc faire aujourd’hui ce choix de la « messe en latin » ? Parce que nous sommes convaincus que dans cette forme de la liturgie le sens même de la messe ressort de façon plus évidente, plus mystique, et plus priante. Dans la liturgie traditionnelle, en effet, tous les sens sont tendus vers la manifestation de notre foi en ce qui se déroule sur l’autel, et vers sa dimension sacrée et mystérieuse, grâce à un concours d’éléments mis en œuvre dans la lente histoire millénaire de notre liturgie latine :
– le chant grégorien ou les polyphonies sacrées qui portent la partie la plus spirituelle de notre âme vers le Ciel, comme l’encens qui conduit symboliquement nos prières ;
– le silence et le recueillement, qui disent notre adoration face à Notre-Seigneur, tout comme les génuflexions et les attitudes priantes de l’assemblée ;
– la langue latine, qui unit tous les hommes de la Terre autour d’un même langage, figé et inaltérable, lorsqu’ils s’adressent publiquement à Dieu ;
– les vases sacrés, la communion dans la bouche, les doigts joints du prêtre après la consécration, qui manifestent notre foi en la présence réelle de Dieu dans l’hostie, après la consécration ;
– les riches ornements qui signifient notre désir de réserver ce qu’il y a de plus beau et de plus noble pour nos actes de culte envers Dieu ;
– l’espace délimité par le sanctuaire, qui sépare le lieu du sacré de tout ce qui est profane, et réservé à ceux qui ont été consacrés pour accomplir l’office divin ;
– les mêmes gestes répétés invariablement et minutieusement par les prêtres et les ministres, jusqu’aux moindres détails, depuis la nuit des temps, comme autant de parcelles d’un mystère que l’on veut recueillir avec le plus de respect possible…
Tous ces éléments – on pourrait en citer encore bien d’autres, comme par exemple le fait d’être tournés tous ensemble dans la même direction, vers le Christ – s’unissent et s’harmonisent pour donner à la liturgie sa valeur intemporelle, universelle et donc transcendante, verticale : la liturgie est le culte public que l’Eglise rend à Dieu, elle est la prière que le corps mystique du Christ adresse chaque jour à son Père. Elle est toute entière centrée sur Dieu.
On pourrait dire, en quelques sortes, qu’il n’y a pas de place dans la liturgie traditionnelle pour l’improvisation des hommes ou pour les sentiments passagers du prêtre et des fidèles : ceux-ci sont réservés à la prière personnelle, dans le secret de la conscience de chacun, ou aux nobles dévotions traditionnelles. Il n’y a pas non plus place, durant l’action liturgique elle-même, pour l’explication ou l’enseignement : cela est réservé à l’homélie, aux cours de catéchisme, ou aux formations adaptées aux besoins de chacun. La liturgie, au contraire, est le lieu du hiératique, du rituel, de l’intangible et de l’éternel ; elle est ce que l’Eglise donne au Monde de plus grand et de plus beau, pour nous permettre d’approcher, un peu, de l’infinité du mystère de Dieu.
La liturgie traditionnelle, moyen d’évangélisation, pour parler au monde moderne.
Notre attachement à la messe tridentine n’est cependant pas de nature esthétique ou sensible ; il est d’abord une conviction théologique, fondée sur la valeur et la signification pour le monde de ce qui se réalise pendant la messe, « Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié », comme dit saint Paul (1 Cor. 2, 2). Car en effet c’est au pied de l’autel, durant la messe, que nous apprenons, en disciples du Christ, ce qui manque sans doute le plus au monde moderne : le sens du sacrifice et le sens du sacré.
L’esprit de sacrifice, d’abord, afin de lutter contre l’esprit individualiste et hédoniste de notre société, cet esprit de consommation et de plaisir qui défigure petit à petit dans nos âmes les grands idéaux pour lesquels nous sommes faits. Que l’on se donne dans le mariage et la vie de famille, ou dans la vie sacerdotale ou religieuse, ou encore dans toute forme de don de soi (le scoutisme, le soin des pauvres ou des enfants, l’éducation, la défense de son pays…), cela signifie toujours certains renoncements ou sacrifices, certains efforts, parfois ardus, en vue d’obtenir quelque chose qui nous dépasse. Mais « il n’y a rien de plus grand que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jean 15, 13) : Jésus nous enseigne la valeur de ces renoncements, quel qu’en soit le prix. Cette générosité, précisément, s’apprend au pied de la croix, en assistant à la sainte messe, en venant y puiser la générosité même du Fils de Dieu, en venant apprendre à sa suite le bonheur qu’il y a à donner, à se donner, jusqu’au bout, jusqu’à l’héroïsme s’il le faut, comme l’ont fait de nombreuses générations de chrétiens avant nous ! La messe traditionnelle est pour cette raison – comme on le constate aujourd’hui partout dans le monde – source de nombreuses vocations et de belles familles chrétiennes !
Un second aspect doit être souligné : notre monde a perdu tout sens du sacré, parce qu’il a évacué la croix, parce qu’il a évacué le sacrifice. On a retiré les crucifix des écoles et des tribunaux, on a supprimé la messe paroissiale des fêtes des villages… Or on ne retrouvera le respect des anciens, des parents, des professeurs ou des supérieurs, le respect des choses, de la nature que Dieu nous a donnée, le respect de son propre corps et du corps de l’autre, le respect de la propriété d’autrui ou le respect des institutions, le respect de la vie elle-même, que lorsque nous saurons considérer à nouveau que certaines choses sont « séparées », « mises à part », « réservées pour un usage saint », et que nul ne saurait violer ou défigurer sans devoir en payer le prix : voilà le sens du « sacré », que nous enseigne de la façon la plus noble la liturgie traditionnelle. Par ses cérémonies grandioses et méditatives, par ses détails intemporels et ses douces harmonies, par la hiérarchie qu’elle instaure et par l’humilité qu’elle impose devant ses saints mystères, la liturgie de l’Eglise est l’enseignement d’une mère pour chacun des chrétiens comme pour toute société qui veut vivre de l’esprit du Christ.
Les prêtres de l’Institut du Bon Pasteur ont donc comme mission, dans le monde d’aujourd’hui, d’aimer et de se consacrer à la messe traditionnelle, de la connaître intimement et de la pratiquer comme de dignes fils de l’Eglise, afin d’en être les apôtres, les missionnaires, et les défenseurs, pour le salut du monde et pour le salut des âmes !
C’est dans la célébration fervente et quotidienne des Saints Mystères que les prêtres trouveront la lumière, la paix, la joie de leur ministère. Source de toute grâce et de toute sainteté, la sainte Messe est au centre de leur vie, le véritable trésor où ils placent leur cœur, la consolation dans les épreuves (Statuts de l’IBP, VII, §1).
Messe tridentine célébrée à Rome, en la basilique des saints Martyrs, au Panthéon, pour le groupe d’étudiants et séminaristes ‘Tridentini’