Les juges, membres du Sanhédrin

            PREMIERE PARTIE : Les juges de Jésus-Christ 

            CHAPITRE 1 : Les juges, membres du Sanhédrin

 

Les juges, qui condamnèrent le Christ à la mort et firent ratifier par Pilate leur inique sentence, appartenaient au Sanhédrin de Jérusalem.

Qu’est-ce donc que le Sanhédrin ?

Étymologiquement, ce nom est d’origine grecque. Il désignait chez les Juifs « le grand conseil » ou le tribunal suprême de la nation qui fut créé à Jérusalem, après l’exil de Babylone (Cf. Lemann, Valeur de l’Assemblée, p. 3).

Les sanhédrites tenaient ordinairement séance dans une salle du Temple, construite en pierres taillées et appelée pour cette raison lischkath-hagazith. Quand les sanhédrites se réunissaient au grand complet, ils n’étaient pas moins de soixante-et-onze, président compris.

Ces soixante et-onze membres formaient trois chambres ou classes : la classe des grands prêtres, la classe des anciens et la classe des scribes ou docteurs de la loi. Tous ces détails nous sont donnés par le Nouveau Testament.

En principe, chacune des chambres du Sanhédrin comptait vingt-trois membres. Leur nombre ne fut pas toujours égal. C’était le cas au siècle de Jésus-Christ. A cette époque, les prêtres formaient avec les scribes la majorité du Sanhédrin. C’est donc le parti sacerdotal qui eut la grande responsabilité dans le procès de Christ.

1. Anne, l’ex-grand prêtre

C’est le grand-prêtre Anne qui fut l’acteur principal du drame du Christ, l’auteur véritable du meurtre religieux et juridique du Christ. Caïphe, les scribes et le peuple ne furent que des instruments dociles entre ses mains. Élevé dans les doctrines des sadducéens, esprit vif, ambitieux et retors, il parvint à se faire de bonne heure une réputation rare d’habileté. Riche et habile en affaires, il lui fut aisé de s’attirer, par des dons magnifiques, la faveur du gouverneur et même celle du grand-prêtre Josué, qu’il cultivait assidûment.

Anne avait trente-sept ans lorsqu’il fut nommé « grand-prêtre ». C’était une affaire d’intrigues et d’argent. On donnait la tiare à qui offrait le plus. Aussi pense-t-on qu’Anne ne fut « oint » sans user de quelques manœuvres, auprès de Sulpicius Quirinius, alors gouverneur de Syrie et de Judée, pour briguer les honneurs du suprême sacerdoce.

Nommé vers l’an 6 après Jésus-Christ, il conserva ses hautes fonctions pendant près de dix années, jusqu’en l’an 15. Destitué, il sut cependant garder son titre et surtout, son influence et la considération. C’est lui qui fit faire nommer Caïphe à la charge du haut pontificat. C’est Caïphe qui fut le grand-prêtre pendant les années où vécut Jésus-Christ.  Mais Anne, malgré qu’il ne fût plus grand-prêtre, jouissait d’une grande influence dans les affaires du pays, d’autant que Caïphe était son gendre.

Aux jours de la Passion, Anne était donc sans conteste le personnage le plus en vue et le plus puissant. Tous le regardaient comme le véritable chef du parti sacerdotal. Caïphe ne faisait rien sans lui, au point qu’on associait leurs noms, et celui d’Anne venait même le premier (comme en témoigne Lc 3, 2).

Anne avait le vrai pouvoir, une influence extraordinaire sur les affaires religieuses et civiles du pays (Lemann, op. cit., p. 24). Il touchait de très près au souverain pontificat par son gendre. On nous le décrit comme : « altier, fourbe, audacieux, cruel et sceptique comme tous les sadducéens de son partie ».

2. Caïphe, le grand prêtre

C’est en ces termes que saint Jean introduit sur la scène ce triste personnage, le gendre d’Anne, l’ex grand-prêtre : « Caïphas qui erat pontifex anni illius » (Jn 18, 13). Il était très probablement sadducéen, comme son beau-père et comme la plupart des prêtres et des aristocrates de ce temps.

Il fut nommé grand-prêtre en l’an 18 de notre ère. C’est le procurateur Valerius Gratus qui lui fit cet honneur. Lorsque Jean Baptiste commença son apostolat sur les bords du Jourdain, vers l’an 28, Caïphe était donc en fonction depuis déjà une dizaine d’années (Lc 3, 1-3). A noter que saint Luc, en signalant cette coïncidence, associe Anne à Caïphe : « sub principibus sacerdotum Anna et Caïpha » (Lc 3, 163), pour marquer sans doute que le gendre d’Anne ne fut jamais qu’un « instrument docile » aux mains de son beau-père. Et qu’il n’exerça son influence que par lui. C’était un homme de peu de science, violent, brutal, hautain, infatué de sa personne. Son attitude, suite à la résurrection de Lazare, le montrerait plutôt clément (Jn 11, 50).

Caïphe fut vis-à-vis de Rome d’un servilisme parfait. A chaque fois que Pilate, le lieutenant de César en Judée, porta atteinte aux droits et à la religion des Juifs, le lâche Caïphe n’osa jamais protester.

Le Nouveau Testament parle de lui quatre ou cinq fois. Il joua un rôle important au moment de la Passion. C’est lui qui présida l’interrogatoire de nuit, où Jésus-Christ fut condamné (Mt 26, 57-66 ; Mc 14, 55-64). Nous le retrouvons après l’Ascension à la tête du Sanhédrin, quand Pierre et Jean y comparurent (Act 4, 6). Cette fois encore, il était accosté d’Anne, son beau-père. Dans une mémorable circonstance, Caïphe prononça une parole  prophétique. Le sanhédrin, s’étant assemblé à l’instigation des pharisiens, délibérait sur ce qu’il fallait faire de Jésus : « Vous n’y entendez rien, dit Caïphe, en plein conseil, vous ne considérez donc pas qu’il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple et que toute la nation ne périsse pas » (Jn 11 49-52). Saint Jean ajoute que cette déclaration était une prophétie, Caïphe ayant alors parlé comme grand-prêtre, comme représentant officiel de Dieu. Mais le gendre d’Anne comprit-il seulement la portée de ses paroles ? C’est peu probable.

Ce grand-prêtre fut déposé en l’an 36. Il eut pour successeur un des fils d’Anne. Caïphe s’était rendu impopulaire à Jérusalem. Nous ignorons comment il a fini.

3. Les prêtres

Les Actes des Apôtres mentionnent plusieurs prêtres, qui siégèrent certainement parmi les juges du Sauveur. L’un d’eux s’appelait Jean (Act 4, 6) ; c’est tout ce que nous savons de lui. Un autre se nommait Alexandre (Act, 4 6). Il faisait partie du Sanhédrin qui jugea Jean et Pierre, arrêtés à Jérusalem, le jour de la Pentecôte. Un troisième, dont parle les Actes (Act 23, 2-6 ; Act 24, 1) se nommait Ananie. Élevé au pontificat en l’an 49, il s’y maintint jusqu’en l’an 53. Cet Ananie assistait au conseil réuni par le tribun Lysias pour examiner le cas de saint Paul, qu’on venait d’arrêter dans une émeute au Temple. Plus tard, le même Ananie se porta comme accusateur de l’Apôtre, au tribunal du procurateur Félix, à Césarée. Détesté des Juifs, il mourut assassiné. Les Actes parlent encore d’un prêtre nommé Sceva (Act 19, 14) qui se trouve parmi les juges de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Tels sont les prêtres nommés dans les Actes. Il y en avait d’autres encore.

5. Les scribes

Les scribes formaient la seconde chambre du Sanhédrin. C’étaient les sages du Temple et du pays, appelés aussi « docteurs de la Loi ». A l’époque de Jésus, ils commentaient la loi et en expliquaient les passages difficiles. C’est précisément en qualité de juristes qu’ils assistaient aux séances du Sanhédrin.

L’autorité des scribes était grande. Ils étaient des orgueilleux. Souvent le Seigneur dénonça leur faste ridicule (Mt 23, 6-7). Ces ardents sectateurs du judaïsme étaient vingt-trois présents au jugement de Notre Seigneur Jésus-Christ. Les plus connus d’entre eux étaient Gamaliel et son fils Simon. Gamaliel fut le maître de saint Paul, de Barnabé et de saint Étienne. Esprit droit et équitable, il finit par embrasser la foi chrétienne et mourut avant l’an 70.

6. Les Anciens

La troisième chambre du Sanhédrin se composait des Anciens, personnes considérés et influentes. Ils devaient ce crédit soit à leur richesse, soit à leur haute naissance. N’oublions point Joseph d’Arimatie et Nicodème L’Évangile dit du premier qu’il « était un noble et riche décurion…bon et juste » (Mt 27, 57 ; Marc 15, 43 ; Lc 23, 50). Saint Jean et saint Matthieu affirment même qu’il avait embrassé, quoi qu’en secret, les doctrines de Jésus (Jn 19, 38 Mt 27 57). Aussi ne voulait-il point tremper dans l’affreux crime du déicide. Il évita d’être complice de ses collègues du Sanhédrin qui condamnèrent Jésus-Christ. Nicodème, lui aussi disciple caché de Notre Seigneur Jésus-Christ (Jn 3 1-10), suivit son exemple. Le soir du vendredi saint, il apporta cent livres d’aromates, de myrrhe et d’aloès pour embaumer le corps de Jésus. La profession qu’il fit plus tard du christianisme lui attira une excommunication officielle de la Synagogue.

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