La plupart du temps, dans la liturgie traditionnelle, il n’y a qu’une seule lecture avant l’évangile., lecture que l’on peut appeler épître, si, comme la plupart du temps, il s’agit d’une lettre de saint Paul, de saint Pierre, de saint Jacques ou de saint Jean (la lettre de saint Jude n’est pas utilisée à ma connaissance), lecture que l’on rattache simplement au livre dont elle est tirée (Actes des apôtres, Apocalypse ou encore tel livre de l’Ancien Testament) s’il ne s’agit pas d’une épître. Il n’est pas possible, à la place de la lecture (qui est déterminée par la liturgie) de choisir un texte profane, si beau soit-il. Dans la liturgie de l’Eglise, chaque enseignement doit être divin, extrait donc de la liste des ouvrages dits canoniques de l’Ancien ou du Nouveau Testament. Même les chants (introït,, graaduel, alleluia etc.) sont la plupart du temps tirés du livre des psaumes.
Rares sont les compositions ecclésiastiques, qui si elles sont présentes (introït de la Pentecôte par exemple) se rapprochent du style des psaumes et ont été éprouvées par le temps. On peut aussi dire que certains poème ont été admis dans la liturgie, mais en supplément : ce sont les séquences, après le chant de l’alleluia, nombreuses dans le rituel gallican, mais dont il ne reste, dans le rituel romain qui est le nôtre, que celle de Pâques (Victimae paschali), celle de la Pentecôte (Veni Sancte Spiritus) et celle du Saint Sacrement (Lauda Sion). On peut ajouter le rituel gallican reçu dans tel diocèse : à Paris, séquence pour la fête de saint Denis le 9 octobre ou de sainte Geneviève le 3 janvier. , ou pour la dédicace de l’Eglise cathédrale le 2 juillet, ce magnifique morceau de plain chant mesuré, dont on a fait un cantique français ; Jerusalem et Sion filiae. Précisons que saint Denis et sainte Geneviève sont les patrons du diocèse.
On a beaucoup reproché à la forme traditionnelle du rite romain d’être pauvre en textes de l’Ancien Testament et de façon générale d’offrir moins de textes, des textes moins longs et toujours les mêmes. Cette pauvreté est pédagogique. Dans la forme rénovée du rite romain,la préoccupation de connaître et de faire connaître les textes saute aux yeux comme saute aux yeux le souci des réformateurs de faire lire la Bible. D’où la multiplication des textes sur l’année A, l’année B ou l’année C, et d’où les deux lectures avant l’évangile, à savoir systématiquement une de l’Ancien et une du Nouveau Testament. Nos ancêtres dans la foi n’avaient pourtant aucune réticence devant l’Ancien Testament ‘comme le montre la fréquence des textes de l’Ancien Testament chaque jour du Carême. En revanche, ils ne pensaient pas que l’une des fins de la liturgie soit une connaissance plus précise de la Bible, comme on s’est mis à le croire à la fin du XXème siècle. La liturgie, c’est toujours (évangile ou eucharistie) une question de présence, pas une entreprise cognitive ou culturelle, si louable que soit l’élargissement (scripturaire, philosophique ou théologique) de la culture chrétienne. La liturgie ce n’est pas l’école du dimanche et heureusement : c’est plutôt le lieu d’une expérience spirituelle commune, c’est le lieu et le temps où se révèle la présence de Dieu dans le monde.
L’une des grandes fragilités du nouveau lectionnaire, c’est justement ce trop plein de textes, quand ce n’est pas le moment d’en prendre connaissance. Quand j’étais plus jeune et que j’avais encore présent à la mémoire mon expérience du rite rénové, j’aimais bien distinguer la messe-textes (la nouvelle) et la messe acte (l’ancienne). On nous dit : le lectionnaire de l’ancienne messe est vraiment trop pauvre : en particulier, dans les fêtes de saints en semaine on rabâche le commun des confesseurs ou le commun des vierges, en répétant les mêmes paraboles et pour la lecture les mêmes textes sapientiaux. C’est vrai qu’il est relativement pauvre. C’est vrai que l’on pourrait ajouter des textes au commun des saints dans l’ancien rite. Pourquoi pas. Mais est-ce bien nécessaire ? Les connaissances bibliques, c’est à l’école du dimanche, durant des cours ou des conférences qu’il faut les développer. Pas pendant la sainte liturgie parce que ce n’en est pas l’objet.
La messe n’est pas le lieu où l’on développe ses connaissances mais plutôt l’endroit où l’on ouvre son coeur à la présence de Dieu, ou l’on offre le sacrifice spirituel qui résume son existence devant Dieu, où l’on sort de soi pour adorer Dieu vraiment présent dans l’eucharistie. Bref c’est un acte spirituel qui requiert non le développement de la mémoire mais l’amplification du coeur, qui est l’organe de la foi en nous. La liturgie de Paul VI s’est beaucoup intellectualisée à cause de la richesse et de la longueur (optionnelle d’ailleurs parfois) de ses textes. Dans la liturgie traditionnelle, on avait non pas le souci d’être exhaustif et copieux, mais plutôt la préoccupation d’aller à l’essentiel dans l’annonce des mystères du salut.
C’est ainsi que certaines fêtes jouissent de textes particulièrement courts, par exemple, justement aujourd’hui la fête de Pâques, avec cette épître tiré des Corinthiens, courte, mais dont nous avons gardé la mise en musique magnifique dans ce que l’on appellle son ton fleuri. Quant aux textes courts, pensons aussi aux fêtes de la Vierge (un évangile d’une ligne et demie), de la circoncision (le 1er janvier), pareil : on s’en est débarrassé un peu vite dans la nouvelle liturgie ! Ajoutons encore le commun des défunt (lecture de l’Apocalypse : une ligne et demi), la fête de la Trinité (quelques lignes). Est-ce par incapacité à trouver plus long ? Non c’est par souci, quand c’est possible, de ne pas alourdir la célébration des mystères, avec des textes qui ralentissent l’action sacrée, ou qui font que l’action sacrificielle est de moins en moins une action et de plus en plus un partage de connaissances religieuses, un cours de catéchisme, suppléant d’ailleurs à ceux qui n’avaient pas été donnés aux enfants.