Après la doxologie du Gloria Patri revient ce refrain tiré du psaume 42 : « Je m’approcherai de l’autel de Dieu, du Dieu qui réjouit ma jeunesse ». Je voudrais revenir sur le sens précis de ce verset, et, en particulier sur un mot : qu’est-ce que l’autel de Dieu ?
On pourrait penser, par habitude, que c’est l’autel consacré à Dieu, mais alors on serait dans le pléonasme : existe-t-il d’autres autels que des l’expression contient une synecdoque (emploi de la partie pour le tout autel consacré à Dieu ? Rappelons que chez les Hébreux, les synagogues sont de simples salles de prières et de lectures et qu’il n’y a qu’un seul temple où l’on accomplit des sacrifices : le Temple de Jérusalem. Dans ce temple, deux autels : l’autel des parfums et l’autel des sacrifices. Peut-être faut-il penser que dans l’esprit du psalmiste, le mot ‘autel’ désigne la partie pour le tout ; le Temple de Dieu, c’est son autel.
Mais qu’en est-il dans la nouvelle alliance ? Il y a une petite phrase du Christ dans l’Evangile, en pleine polémique avec les pharisiens, dans laquelle il déclare l’autel plus important que les sacrifices (d’animaux) qui sont posés dessus ; « Vous dites encore : “Si l’on fait un serment par l’autel, il est nul ; mais si l’on fait un serment par l’offrande posée sur l’autel, on doit s’en acquitter. Aveugles ! Qu’est-ce qui est le plus important : l’offrande ? ou bien l’autel qui consacre cette offrande ? ».(Matth. 19, 23). L’autel, en tant qu’il est voulu par Dieu et décrit précisément dans le Lévitique, est plus important que le sacrifice apporté par les hommes, sacrifice d’animaux ou de parfums, sacrifice symbolique. L’autel donne au sacrifice avant qu’il n’ait lieu sa portée et son sens. Ainsi dans ce psaume 42, que nous sommentons, l’autel de Dieu donne son sens au sacrifice divin.
Cela vous paraîtra peut-être un pinaillage mais c’est exactement ce que l’on retrouve dans la formule moderne, qui, décrivant les polémiques autour de la messe en français ou en latin, exhortait les fidèles à ne pas dresser « autel contre autel », c’est-à-dire à ne pas fracturer le sens du sacrifice du Christ, qui doit être le même dans tous les rites chrétiens puisque le Christ est le même. Qu’est-ce qui donne un sens absolument singulier et une existence unique au sacrifice du Christ ? C’est que le Christ soit Dieu et homme en un seul sujet et que sa divinité est en quelque sorte l’autel sur lequel est offerte son humanité, que l’acte sacrificiel du Christ puisse être dit théandrique, à la fois divin et humain, qu’il se laisse découvrir à la fois dans l’instant au nom de son humanité sacrée acceptant la mort pour sauver les hommes, et aussi dans la totalité du temps au nom de sa divinité qui est l’autel du sacrifice, le projet divin auquel Jésus a donné son accord, en tant qu’homme.
« Voilà un principe certain dont il faut être instruit », commente le Père Charles de Condren, successeur du Cardinal de Bérulle à la tête de l’Oratoire de France dans L’idée du sacerdoce et du sacrifice de Jésus-Christ (éd. 1702, présenté par le Père Quesnel), « voilà un principe certain pour bien entendre le Sacrifice : que l’Autel du sacrifice doit être plus saint et plus estimable que la victime ou les dons qui sont offerts sur cet autel. Et la raison de cela c’est que la victime emprunte la sainteté de l’autel. Il faut que ce principe soit bien constant puisque [dans le passage de l’Evangile que nous venons de citer] Notre Seigneur traite les scribes et les pharisiens d’aveugles et d’insensés parce qu’ils ne le comprenaient pas ».
« La victime emprunte sa sainteté à l’autel », comme la résolution de sacrifier est antérieure au sacrifice lui-même et lui donne son sens. Comme la célébration liturgique du Christ la veille de sa Passion, le jeudi saint, affirmant formellement son intention : Ceci est mon corps, ceci est mon sang versé, cette célébration est antérieure aux sacrifices physiques auxquels il va consentir le vendredi saint et leur donne leur sens.
« Je m’approcherai de l’Autel de Dieu », je m’approcherai de l’intention divine telle qu’elle se fait connaître le jeudi saint : « Ceci est le calice de mon sang, , nouvelle et éternelle alliance, mystère de la foi, qui pour vous et pour une multitude a été versé pour le pardon des péchés… Cela, chaque fois que vous le ferez, vous le ferez en vous souvenant de moi » Deux intentions dans ces paroles : le pardon, la rémission des péchés d’une part, qui est tout le mystère de la foi : ta foi t’a sauvé » dit souvent Jésus, c’est la première intention ; la volonté du Christ que ce mystère liturgique soit reproduit dans le souvenir de ce qu’il avait lui-même accompli le jeudi saint, deuxième intention. Et voilà l’autel de Dieu dont nous nous approchons.
L’autel de Dieu est celui de la réconciliation définitive et celui de l’alliance, rappelé liturgiquement, sacramentellement, à la manière du Christ le jeudi saint, dans tous les points de l’espace-temps où il se trouve des croyants. Je m’approcherai avec un infini respect de cette volonté divine de pardon et de célébration permanente de ce pardon, en offrant le corps et le sang du Christ sur cet autel qui est celui du Verbe, de la Parole irréfragable de Dieu.
L’autel renvoie donc à la Personne divine du Verbe de Dieu ; le sacrifice étant constitué par la vie humaine de Jésus, L’autel de Dieu ? Le génitif ne doit pas être pris dans son sens objectif, avec pour signification qu’il s’agit de l’autel dédié à Dieu. Tous les autels du monde sont ou veulent être dédiés au divin. L’autel de Dieu, au sens subjectif du génitif, c’est l’autel qui est le Verbe sauveur, l’autel qui s’identifie à Dieu même, qui est là avant que nous présentions notre offrande, qui détermine la nature de cette offrande, la manière dont nous l’offrons, le mystère de la foi qu’elle représente tout entier.
Ce que le prêtre fait à l’autel, il le fait comme instrument, mais le rite ne lui appartient pas. Le cardinal de Bérulle est mort en célébrant sa messe, c’est un des membres de son Institut, l’Oratoire de France, qui l’a achevée. La messe n’appartient pas au prêtre mais à l’autel au sens. nous définissons ce mot avec le Père de Condren. L’autel de pierre, l’autel de bois sur lequel nous célébrons à un sens. Il représente la volonté de Dieu, le plan divin pour sauver l’humanité. C’est au prêtre à se conformer à l’autel, à l’épouser et non à l’autel à se conformer esthétiquement aux caprices liturgiques du prêtre.
Ce que le prêtre fait à l’autel, il le fait comme instrument, mais le rite ne lui appartient pas. Le cardinal de Bérulle est mort en célébrant sa messe, c’est un des membres de son Institut, l’Oratoire de France, qui l’a achevée. La messe n’appartient pas au prêtre mais à l’autel au sens. nous définissons ce mot avec le Père de Condren. L’autel de pierre, l’autel de bois sur lequel nous célébrons à un sens. Il représente la volonté de Dieu, le plan divin pour sauver l’humanité. C’est au prêtre à se conformer à l’autel, à l’épouser et non à l’autel à se conformer esthétiquement aux caprices liturgiques du prêtre.