Article de M. l’abbé de Tanoüarn
« Arrache moi à l’homme inique et trompeur »continue le psaume 42. On ne le répétera jamais assez, face à la religion optimiste qui nous a formés dans les années 70, ce n’est pas dans la Bible que l’on trouve l’humanisme moderne. La Bible raconte la gloire de Dieu et non la gloire de l’homme. De l’homme, ce sont avant tout ses défauts que nous raconte le Livre saint, sa faiblesse de résolution, son infidélité, sa pusillanimité, son envie, ses mensonges. Arrache moi à l’hommerie, Seigneur, ne me laisse pas dans l’honnête moyenne humaine. Ne me laisse pas dans l’imitation de l’homme, ne me laisse pas faire comme les autres. Si je me laisse aller à faire comme les autres je suis capable de pire : le mensonge (la tromperie, dolo en latin, le dole) et l’iniquité.
Iniquité ? C’est le péché au sens diabolique du terme, le mal à l’état chimiquement pur, la préférence inconditionnelle pour soi-même; l’idolâtrie de l’ego.
Mensonge : c’est ce qui m’empêcherait de m’avouer la gravité de mon péché, ma légèreté. C’est ce qui m’interdit de revenir en arrière, ce sont les mensonges que j’entretiens sur moi-même, ces raisonnements en forme de rationalisation qui m’empêchent de voir qui je suis. L’Ego, cette construction artificielle, ce tigre de papier est prisonnier du mensonge social et spirituel sur lequel, bien souvent, il s’est construit. L’homme est trompeur dit le psaume ? Omnis homo mendax lit-on dans le psaume 115 : « J’ai dit dans mon emportement, c’est-à-dire dans une vision qui me dépasse, excessus, en latin, c’est l’extase en grec, j’ai dit dans une sorte de révélation : tout homme est menteur ». Qu’est-ce à dire et pourquoi cet extase ? L’homme ment aux autres, mais pas seulement. C’est plus grave : il se trompe lui-même. Il n’est pas capable de vérité. Cette tromperie radicale le disqualifie pour la vérité, elle l’en rend inapte.
Comment qualifier cette tromperie ? Si l’on en revenait à l’Evangile, on pourrait peut-être dire : le trompeur est celui qui a définitivement neutralisé l’enfant qu’il était pour se borner à s’assumer comme adulte. Pour sortir de la tromperie sociale ou spirituelle, il faut chercher l’enfant qu’on a été : « Si vous ne changez pas et ne redevenez comme de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume de Dieu ». On ne prend pas assez au sérieux cette impératif livré par le Christ, parce que l’on confond l’enfant et l’innocent, comme si l’enfant était innocent. L’enfant n’est pas innocent, mais il a une qualité qu’il ne faut pas gâcher et qui peut le mener aux plus grandes actions : il est confiant., envers son père, sa mère ou ceux qui les représentent. Guy de Fontgalland, Anne de Guigné, ce sont des petits enfants, morts avant leurs dix ans, mais qui avaient l’un et l’autre cette confiance absolue dans le Christ, qui les a conduits à la perfection.
Cette confiance évoque la suite du psaume 42 : « Arrache moi à l’homme inique et trompeur parce que tu es ma force ». Que demande-t-on au Seigneur dans ce verset ? Non pas qu’il nous délivre des gens méchants. Nous n’en sommes pas à rejeter sur le prochain le mal ou la faute, ce serait bien pitoyable. Homme inique et trompeur, l’expression est au singulier. Les ennemis et les méchants sont toujours au pluriel. Cet homme inique et trompeur, en fait, il est en nous. Saint Paul en a fait l’expérience aux chapitres 7 et 8 de l’Epître aux Romains : « Je sens deux hommes en moi ». Nous ne pouvons être libéré de cette dualité, de cette ambiguïté permanente, que par la force de Dieu. Quelle est donc cette force ? La grâce et en particulier la première des grâces de Dieu : la foi, celle que nous possédons tous, qui que nous soyons, parce que « venant en ce monde, nous avons été éclairé par la vraie lumière » (Jean I, 8).
Attention ! Le psaume ne dit pas : donne moi la force et alors je serai le plus fort, le plus beau. Dans l’effort de phénoménologie spirituelle que fait le psalmiste, ce serait trop dire. Et surtout trop peu. La prière surnaturelle ne demande pas à Dieu : donne-moi ceci ou cela, mais plutôt : sois pour moi ceci ou cela, sois ma force, tu es ma force. Plus précisément, parce que cette force est une grâce, parce que cette force est surnaturelle (comme disait Simone Weil à la fin de la précédente méditation), nous prions pour agir dans la force surnaturelle qui est celle de Dieu. Cette force n’est pas à nous, elle est à lui. Mais quand nous avons compris notre faiblesse, c’est alors, immédiatement, dans l’instant, si nous le prions, qu’il peut se faire notre force : « C’est quand je suis faible, que je suis fort » (II Co, 12, 10).
Iniquité ? C’est le péché au sens diabolique du terme, le mal à l’état chimiquement pur, la préférence inconditionnelle pour soi-même; l’idolâtrie de l’ego.
Mensonge : c’est ce qui m’empêcherait de m’avouer la gravité de mon péché, ma légèreté. C’est ce qui m’interdit de revenir en arrière, ce sont les mensonges que j’entretiens sur moi-même, ces raisonnements en forme de rationalisation qui m’empêchent de voir qui je suis. L’Ego, cette construction artificielle, ce tigre de papier est prisonnier du mensonge social et spirituel sur lequel, bien souvent, il s’est construit. L’homme est trompeur dit le psaume ? Omnis homo mendax lit-on dans le psaume 115 : « J’ai dit dans mon emportement, c’est-à-dire dans une vision qui me dépasse, excessus, en latin, c’est l’extase en grec, j’ai dit dans une sorte de révélation : tout homme est menteur ». Qu’est-ce à dire et pourquoi cet extase ? L’homme ment aux autres, mais pas seulement. C’est plus grave : il se trompe lui-même. Il n’est pas capable de vérité. Cette tromperie radicale le disqualifie pour la vérité, elle l’en rend inapte.
Comment qualifier cette tromperie ? Si l’on en revenait à l’Evangile, on pourrait peut-être dire : le trompeur est celui qui a définitivement neutralisé l’enfant qu’il était pour se borner à s’assumer comme adulte. Pour sortir de la tromperie sociale ou spirituelle, il faut chercher l’enfant qu’on a été : « Si vous ne changez pas et ne redevenez comme de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume de Dieu ». On ne prend pas assez au sérieux cette impératif livré par le Christ, parce que l’on confond l’enfant et l’innocent, comme si l’enfant était innocent. L’enfant n’est pas innocent, mais il a une qualité qu’il ne faut pas gâcher et qui peut le mener aux plus grandes actions : il est confiant., envers son père, sa mère ou ceux qui les représentent. Guy de Fontgalland, Anne de Guigné, ce sont des petits enfants, morts avant leurs dix ans, mais qui avaient l’un et l’autre cette confiance absolue dans le Christ, qui les a conduits à la perfection.
Cette confiance évoque la suite du psaume 42 : « Arrache moi à l’homme inique et trompeur parce que tu es ma force ». Que demande-t-on au Seigneur dans ce verset ? Non pas qu’il nous délivre des gens méchants. Nous n’en sommes pas à rejeter sur le prochain le mal ou la faute, ce serait bien pitoyable. Homme inique et trompeur, l’expression est au singulier. Les ennemis et les méchants sont toujours au pluriel. Cet homme inique et trompeur, en fait, il est en nous. Saint Paul en a fait l’expérience aux chapitres 7 et 8 de l’Epître aux Romains : « Je sens deux hommes en moi ». Nous ne pouvons être libéré de cette dualité, de cette ambiguïté permanente, que par la force de Dieu. Quelle est donc cette force ? La grâce et en particulier la première des grâces de Dieu : la foi, celle que nous possédons tous, qui que nous soyons, parce que « venant en ce monde, nous avons été éclairé par la vraie lumière » (Jean I, 8).
Attention ! Le psaume ne dit pas : donne moi la force et alors je serai le plus fort, le plus beau. Dans l’effort de phénoménologie spirituelle que fait le psalmiste, ce serait trop dire. Et surtout trop peu. La prière surnaturelle ne demande pas à Dieu : donne-moi ceci ou cela, mais plutôt : sois pour moi ceci ou cela, sois ma force, tu es ma force. Plus précisément, parce que cette force est une grâce, parce que cette force est surnaturelle (comme disait Simone Weil à la fin de la précédente méditation), nous prions pour agir dans la force surnaturelle qui est celle de Dieu. Cette force n’est pas à nous, elle est à lui. Mais quand nous avons compris notre faiblesse, c’est alors, immédiatement, dans l’instant, si nous le prions, qu’il peut se faire notre force : « C’est quand je suis faible, que je suis fort » (II Co, 12, 10).