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Aumonier d’hôpital, au service des malades et des familles

Le prêtre est amené, à la suite du Christ, à aller chercher les brebis perdues là où elles se trouvent. Ainsi, le ministère paroissial, s’il est plus commun, n’est pas la seule expression du zèle sacerdotal. Nous avons demandé à Monsieur l’abbé Yvan Chudzik, prêtre brésilien de l’Institut, de nous décrire son ministère en milieu hospitalier. Voici son témoignage, décrivant une mission plus vaste et complexe qu’il n’y parait.

Monsieur l’abbé, quel est donc votre ministère principal ?

Mes supérieurs m’ayant envoyé à Belém, capitale de l’Amazonie, au nord du Brésil, j’y suis arrivé le 9 septembre dernier. Quelques jours plus tard, en la fête du Saint-Nom de Marie le 12 septembre (alors que l’Église fêtait la victoire catholique à Vienne contre l’Empire ottoman en 1683), une lettre de l’archevêque du lieu, Mgr Alberto Taveira Corrêa, m’a annoncé une bonne nouvelle : ma nomination comme aumônier de l’hôpital de la Société Bienfaitrice Portugaise (Benemérita Sociedade Beneficente Portuguesa), pour remplacer mon confrère l’abbé Tomas Parra (IBP), qui se trouve maintenant dans notre maison de São Paulo.

Ce patronage de la Sainte Vierge est pour moi très significatif : mes activités en tant qu’aumônier se devront d’être à la hauteur de celles de mes prédécesseurs, dont le zèle sacerdotal a si bien marqué les employés, les directeurs, les malades eux-mêmes ainsi que leurs familles, qu’ils s’en souviennent encore jusqu’à présent. En particulier  le P. Nestor Windolph, franciscain américain qui a travaillé pendant plus de 30 ans comme aumônier de cet Hôpital et qui, comme moi, a célébré la messe selon le rite romain traditionnel : il avait l’habitude de se rendre à l’hôpital à 3h chaque matin, afin de prier avec chaque malade… j’avoue ne pas être à la hauteur !

 

A qui s’adresse en premier lieu votre ministère ?

L’aumônier de l’hôpital ne se contente pas d’administrer les sacrements aux mourants lorsqu’il est sollicité par leurs familles, mais il doit principalement aller à la rencontre des patients, et pour cela il faut frapper à la porte de chaque chambre, entrer dans chaque infirmerie, se présenter et se mettre à leur disposition comme instrument de la grâce de Dieu.

J’ai pu d’ailleurs déjà être le témoin et l’instrument de magnifiques conversions, parfois quelques instants avant la mort !

L’aumônier, en tous cas, n’a pas d’abord à faire à des catholiques convaincus, mais son rôle est de susciter l’étincelle de la foi chez un grand nombre d’âmes, trop souvent victimes de l’ignorance religieuse, de l’éloignement de l’Église, ou tout simplement de la « paresse » de se réconcilier avec Dieu. Quant aux malades, leur grande illusion est classique : ils ne sollicitent pas les sacrements, parce qu’ils jugent que leur cas n’est pas suffisamment grave pour demander la visite d’un prêtre !

En quoi la formation reçue au séminaire vous aide-t-elle dans votre ministère ?

Dans chaque conversation, dans chaque chambre, au sein de chaque aile ou infirmerie de l’hôpital, l’aumônier doit savoir trouver la parole juste, adaptée à la circonstance : soit pour convaincre les patients abattus par l’infirmité qu’ils ont besoin de la grâce, soit pour confirmer dans l’espérance des familles désespérées par l’attente d’une guérison qui ne vient pas. Le danger est qu’à chaque visite l’aumônier se réduise à un simple « professionnel du sacré », avec un discours tout prêt et un temps chronométré. Il doit au contraire être d’avantage un médecin des âmes, préoccupé de diagnostiquer ce qui les sépare de Dieu, afin d’appliquer le remède adéquat pour chacune d’entre elles.

Mais cette parole juste est le fruit des années de formation et d’étude, au séminaire, de la philosophie et de la théologie, des lectures spirituelles, de l’apprentissage auprès d’autres prêtres expérimentés, et, bien sûr, de la vie de prière personnelle. Cependant, combien il est difficile parfois de trouver cette parole juste, ni trop timide ni trop rude !  De là vient ma conviction que l’Institut du Bon Pasteur, en formant des prêtres à l’école de saint Thomas d’Aquin et dans la plus obéissante fidélité au Magistère et à la Tradition de l’Église, les prépare à cette universalité du ministère sacerdotal, dans lequel on doit être « tout à tous, afin de les sauver tous » (I Cor. IX, 22).

Concrètement, comme exercez-vous cet apostolat ?

Je suis présent à l’hôpital tous les après-midis, pour rendre visite à toutes les ailes et infirmeries. Lors de ces visites, j’essaie de transmettre non seulement la doctrine catholique au sujet de la maladie, mais surtout la joie chrétienne, laquelle est fondamentale pour les patients et leurs familles : la tristesse vient du monde et produit la mort (II Cor. VII, 10), tandis que la foi illumine les coeurs et les intelligences, même dans les moments les plus douloureux. Pour cela, il faut savoir trouver quelques mots gentils, et même quelques plaisanteries pour détendre l’atmosphère ! Lorsque qu’un malade voit le prêtre entrer dans sa chambre, il pense qu’il vient forcément lui parler de choses menaçantes… mon rôle est donc de lui faire gagner confiance envers celui qui est le ministre de Jésus-Christ, qui n’est pas venu condamner le monde, mais le sauver (Jn. XII, 47) !

Quant à la vie spirituelle et liturgique de l’Hôpital, elle est rythmée par la prière du chapelet du lundi au vendredi et le dimanche à 17h00 dans la chapelle dédiée à l’Immaculée Conception. Un haut-parleur transmet la prière dans le hall principal où des centaines de personnes circulent tous les jours, en les invitant à prier. Quelques patients ou familiers, ne pouvant se rendre à la chapelle, ouvrent les portes de leur chambre afin de suivre la prière qu’ils écoutent grâce aux haut-parleurs. Ainsi, aux « je vous salue Marie » du prêtre répond un petit chœur dans la chapelle et un autre qui se trouve à l’extérieur, unis dans une émouvante communion de prière !

Comment les gens que vous rencontrez reçoivent-ils la liturgie traditionnelle ?

Après le chapelet, je célèbre effectivement chaque jour la sainte messe selon le rit romain traditionnel, comme cela n’est pas très étonnant de la part d’un prêtre de l’Institut du Bon Pasteur.

Certains disent que ce rite ne devrait être célébré que pour les petits groupes qui le sollicitent, avec des fidèles déjà préparés, et à une heure opportune, afin d’empêcher que les autres fidèles ne souffrent du choc causé par une liturgie dont ils ne comprennent pas la langue, avec un célébrant leur tournant le dos… Mon expérience comme aumônier d’hôpital, au fin fond de l’Amazonie, me démontre précisément le contraire ! Le rite tridentin est un excellent moyen pour rapprocher de Dieu les plus simples et les plus démunis !

Je m’explique : d’une part cette forme du rite touche toutes les âmes, les plus cultivées comme les plus simples, par la beauté de ses rites et la solennité de ses cérémonies. Ensuite, ce n’est pas un bloc monolithique qui ignore les besoins pastoraux des fidèles, surtout des plus ignorants et endurcis : il est tout à fait possible d’introduire dans la célébration des moyens adéquats pour conduire les âmes à une véritable participation, digne et fructueuse (les chants, l’usage de missels pour ceux qui le souhaitent, le sermon qui explique tel ou tel aspect de la messe…) tout en préservant le rite du moindre changement !

Votre ministère est donc avant tout missionnaire ?

Ici encore, j’affirme ma certitude que la célébration du rit romain traditionnel ne me cloisonne pas dans un monde à part, constitué de catholiques déjà formés et sélectionnés. Au contraire, c’est au prêtre de former les âmes et les consciences, plutôt que d’aller seulement à la rencontre de ceux qui sont déjà formés : comme Notre-Seigneur qui n’est pas venu appeler les justes, mais les pécheurs (Mth. IX, 13).

Ainsi, chaque jour que je célèbre la messe l’hôpital, je mets à l’épreuve ma formation sacerdotale, et je mets en œuvre ma conviction que nous avons un charisme à part sans vivre dans un monde à part, l’exerçant au milieu du troupeau, comme nous y invitait le Pape François. Les confessions, les conseils donnés, les bénédictions et la présence assidue de quelques patients ou familiers à la sainte messe sont le fruit et la preuve que le Bon Pasteur est prêt à laisser les quatre-vingts dix-neuf brebis qui sont déjà dans la bergerie afin de chercher celle qui s’est perdue.

Abbé Ivan Chudzik, ibp

Ordonné le 1er juillet 2017

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